Prenant la parole, Saliou GOMIS à l’entame de son propos a invité Baye Dame MBENGUE, le coordonnateur du Mouvement Bes Du Ñakk/ Paris à faire le discours de bienvenue. Puis il reprendra la parole pour parler de rôle, fonction et intérêt politique de la littérature. Il montrera la relation qui existe entre écritures et action politique et dira que la littérature est l’expression du ressenti des populations, un exutoire des contrariétés sociales. Sous ce rapport-là, elle est favorisée par un cadre où il y’a absence de dialogue et d’échange, confiscation des libertés et emprisonnement des opposants et des résistants. Elle est ainsi le sismographe des tensions sociales qui détermine l’état de normalité des sociétés. Ainsi prenant connaissance des préoccupations de la société à travers la littérature sociale, le politique peut agir et construire à partir de cela un projet plus équilibré, favorisant les facteurs d’égalité et de justice. Il évoquera ensuite les thèmes de la littérature africaine féminine allant de la dénonciation des inégalités à la valorisation du corps de la femme. Dans un style survolté qui a séduit l’assistance, Baye Dame traduira le propos en Ouolof (*) sur l’intérêt de la littérature en politique.
Reprenant la parole, le modérateur invite la romancière Ndèye Fatou KANE à se présenter et à présenter un état des lieux de la littérature féminine africaine.
Dans sa communication, elle citera Mariama BÂ, dans « une si longue lettre » qui traite des questions de caste, du décor du Sénégal après l’indépendance et des mariages mixtes, et Aminata Sow FALL dans « La grève des battu » qui traite du thème des personnes rejetées par la société, comme étant les plus grandes influences. Elle parlera aussi de Ken BUGUL, Nafissatou DIA, Aminata TRAORE, entre autres influences.
Continuant son propos, Ndèye Fatou souligne que la percée des femmes en littérature s’explique entre autre par l’alphabétisation de celles-ci et l’ouverture vers l’extérieur à travers les voyages.
Ndèye Fatou ajoutera pour répondre à la question du modérateur que les femmes sont plus talentueuses en littérature que les hommes car elles ont plus d’objectivité et plus d’impact cela s’explique par leur capacité de sensibilisation.
A la question de savoir si elle sentait que le public Sénégalais s’appropriait des problèmes soulevés dans son roman. Ndèye Fatou dira que l’intérêt manifesté par le public lors de sa tournée de promotion du livre au Sénégal est un indicateur qui montre l’intérêt pour les thèmes traités.
Elle finit son propos par dire que qu’elle a écrit « Le malheur de vivre » sous un décor des années quatre-vingt pour remettre au goût du jour des valeurs traditionnelles aujourd’hui en perte de vitesse. Le roman s’inscrit entre les traditions et la modernité. Baye Dame prenant la parole, a traduit le propos de Ndèye Fatou, puis a parlé des fonctions de la littérature orale en Afrique en prenant l’exemple des idiomes du Tassou (*) de Pape Thiopète, et insistant sur la portée philosophique et le sens symbolique.
Dans les questions diverses, plusieurs intervenants se sont succédés pour souligner l’importance de la littérature sociale dans la libération de la parole. Notamment celle de la femme africaine pour lutter contre les discriminations et les inégalités de droits. Ainsi la littérature est perçue comme étant un espace de liberté pour les femmes qui y traitent des thématiques sociales telles que la dot, la polygamie et la dénonciation de la confiscation des libertés entre autres. L’exemple de la perspective de la romancière sud-africaine Nadine GODIMER sur l’apartheid en est une parfaite illustration.
La littérature féminine africaine traite des thèmes tels que le corps de la femme, la dénonciation des us et coutumes, les inégalités de genre. On note une contextualisation des revendications d’ordre littéraire. Ainsi le womanism est une revendication identitaire qui assume les différences de genres et les revendications culturelles et se démarque du sectarisme du féminisme.
Au terme d’un échange fructueux empreint de cordialité entre les intervenants et le public, le sentiment de satisfaction était général sur le concept qui a savamment adapté un débat intellectuel à un cadre populaire permettant l’échange et la participation de toutes les franges de la population par le fait de la traduction en Ouolof (*). Il ressort, tout de même, de cette rencontre que la littérature africaine féminine permet de mieux mettre le doigt sur certains problèmes sociaux qui jusqu’à présent entravent l’évolution de nos sociétés vers plus d’égalité et de justice.
Par son rôle, elle contribue à offrir aux politiques un espace de veille social pour légiférer à partir des constats de la littérature sociale (problèmes des femmes en particulier des femmes africaines dans la diaspora, problèmes de la polygamie au-delà des conditions autorisées par la religion, problème du lévirat en terres d’émigration (mariage où le frère d’un défunt épouse la veuve de son frère, afin de poursuivre la lignée de son frère),…) qui sont toujours très d’actualité et apporter les correctifs idoines pour un équilibre social où la justice et l’égalité de droit civil sont au centre des préoccupations. Ce qui est en phase avec le projet de refondation nationale Bes Du Ñakk qui vise à redorer le blason des valeurs d’antan à travers la lutte contre les maux qui gangrènent la Société (excision, mariages précoces, abandon scolaire etc.) dans un mixte positif avec la modernité vers laquelle nous nous sommes résolument tournés.
En résumé, une série de questions ouvertes restent en suspens :
- Quelles solutions proposées face aux manquements en vers les droits des femmes ?
- Quel travail d’émancipation que la société Africaine particulièrement Sénégalaise doit faire ?
- Quelles pistes proposées à nos politiques pour un meilleur respect face au droit des femmes ?
Tassou (*) : Le tassou est un slam traditionnel, en wolof : populaire et vivant, souvent associé au rythme des tambours sabar, évidemment rythmique et exubérant